Aujourd’hui, nous avons décidé de vous dévoiler un des secrets les plus méconnus du Royaume de Siam. Nous allons donc faire un peu d’histoire et retourner au XVIIe siècle, plus précisément en 1684, lorsque les mathématiciens du Roi Louis XIV ont rendu visite au Roi de Siam Phra Narai. (cf. Statue de Narai le Grand, créé en 1966, près de Lopburi)
Tout d’abord, il faut comprendre pourquoi Louis XIV a donné le titre de Mathématiciens du roi aux jésuites qu’il a envoyés à Siam.
Selon les enseignements de Zhimin Bai, maître de conférences de langues et civilisations chinoises. Louis XIV désirait autant que les autres pays européens comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal évangéliser l’Asie notamment la Chine. Cependant, la France à cette époque était très en retard dans le voyage maritime, tandis que les Portugais étaient les plus influents. De plus, le pape n’avait pas de bonne relation avec la France, ce qui n’arrangeait pas les affaires du roi. De ce fait, Louis XIV n’eut pas le droit d’envoyer ses hommes pour convertir d’autres pays. Il trouva une solution lorsqu’il comprit que la Chine eut besoin de mathématiciens. Le roi organisa une mission scientifique que le pape ne pouvait empêcher, car cette mission avait un but scientifique et non pas “religieux”.
Comme nous l’avons dit plus tôt, la France était en mauvaise posture, i.e en déficit, elle n’avait pas de flotte pour aller à l’autre bout du monde. Il était difficile pour elle de bénéficier de produits étrangers, elle était dépendante de l’importation hollandaise, c’est d’ailleurs à cette époque que le ministre Colbert est intervenu avec sa politique du mercantilisme, mais c’est une autre histoire.
Par chance un événement vient débloquer la situation, le roi français à l’occasion d’accueillir une ambassade de la royauté de Siam au Château de Versailles en 1684.
Ces diplomates de Siam arrivent chargés de cadeaux et font part au Roi de leurs inquiétudes à propos des puissances hollandaises et britanniques qui prennent de plus en plus d’ampleur sur le monde et implorent de l’aide à la France.
La France vit cette situation comme une véritable opportunité de rejoindre la Chine et créer des relations avec l’empereur Kangxi (康熙帝). Ainsi, le roi prit l’initiative de sélectionner des hommes de l’Académie des Sciences de Paris pour les préparer pour Siam, mais officieusement pour la Chine. Le roi et l’Académie ont réalisé un questionnaire de 37 questions sur la culture générale, la géographie, les langues parlées, comment fabriquer de la porcelaine, perle, soie etc. Les 6 missionnaires français sélectionnés sont partis avec ce questionnaire et devaient une fois arrivés répondre à ces questions. Leur deuxième mission était de convertir la Chine, car ils étaient avant tout des jésuites. Plusieurs pays européens avaient déjà des missionnaires installés en Chine voire même auprès de Kangxi (empereur de Chine de la Dynastie Qing). Louis XIV était très jaloux et voulait supplanter tous les autres.
Avec la flotte de Siam, ils sont partis de Brest en mars 1685 à bord de l’Oiseau, un vaisseau de 46 canons et sont arrivés à Pékin en 1687. Les missionnaires ont mis 2 ans pour rejoindre la Chine, le voyage maritime ne prenait pas 2 ans, mais un peu plus de 6 mois. Leur flotte s’est tout d’abord arrêtée à Siam pour convertir le roi de sa propre demande. Narai le Grand a demandé aux 6 missionnaires de rester pour convertir tout le pays.
Les 6 missionnaires sélectionnés furent :
Le père Jean de Fontaney, astronome et considéré comme un des meilleurs mathématiciens jésuites de France.
Le père Joachim Bouvet, un des plus célèbres pour les relations France – Chine.
Le père Claude de Visdelou astronome.
Le père Jean-François Gerbillon, astronome et enseignant en mathématiques dans sa province de Champagne.
Le père Le Comte
Le père Tachard ne se rendra pas en Chine, il va rester à Siam pour des questions diplomatiques et religieuses.
Fort embêté de devoir rester à Siam, seulement 5 sur 6 jésuites ont continué leur voyage vers la Chine en laissant tout seul en Thaïlande le père Tachard. Quand le Roi de Siam s’est rendu compte que les 5 autres avaient disparu, celui-ci a dû expliquer la vérité au roi de Siam. Assez embêté, le Roi répondit qu’il fallait alors recruter d’autres mathématiciens pour convertir davantage le pays. La France n’eut d’autre choix que d’envoyer une nouvelle mission dirigée par le Chevalier de Chaumont pour y convertir Phra Narai. Cependant, au même moment Süleyman 1er, Shah de Perse envoient ses hommes pour convertir le roi de Siam à l’islam. Cette mission fut assez perturbée par les nouveaux acteurs étrangers, le Chevalier de Chaumont revint en France avec seulement quelques accords commerciaux pas très avantageux.
Quatre ans plus tard, en 1688 le père Guy Tachard revint à Siam pour poursuivre la mission évangélique, ainsi que maintenir les relations diplomatiques et commerciales. Cependant, il découvrit à son arrivée que le Grand Narai est décédé en janvier 1688, et remplacé par un dirigeant assez hostile aux étrangers, aux cultures extérieures, etc.
Ces missions à Siam furent peut-être des échecs, mais les 5 missionnaires qui avaient fui pour la Chine ont réussi à nouer une relation forte avec l’empereur Kangxi. Kangxi était d’origine mandchoue un peuple encore plus minoritaire que les Mongols. Le peuple mandchou est un peuple qui savait monter à cheval, ils étaient rapides et leur philosophie était de développer les lettres et non pas l’armée, car il considérait cela comme barbare. Beaucoup de peuples notamment les Han n’acceptaient pas d’être soumis au peuple mandchou. De ce fait, Kangxi préférait faire confiance aux missionnaires étrangers qu’aux fonctionnaires chinois. Il ne pouvait pas leur faire confiance lors de leurs déplacements à Taiwan, car il y avait toujours un risque, un sentiment de révolte contre la dynastie des Qing.
